Florent Moreau
Jamais je n'avais vu autant de haine, d'intolérance et d'ignorance dans une arène.
Céret, dimanche 11 juillet 2010. Ils étaient là pour ce qu'ils appellent "leur combat contre la cruauté". Ils étaient dix à peine, et ils ont sauté en piste avant la corrida avec des chaînes en fer, afin de s'attacher en rond. Ils furent évacués de manière rapide et efficace. Mais quel est leur combat ? Quel est leur ennemi ? Quels sont leurs arguments ? Pour s'opposer à la tauromachie, il faudrait d'abord se documenter et apprendre à la connaître.
C'est cette ignorance qui est le fruit d'amalgames et de comparaisons au goût douteux. D'après eux, les aficionados sont uniformisés et possèdent tous les mêmes caractéristiques : assoiffés de sang, barbares, tortionnaires, décérébrés. J'ai souvent fait abstraction des quolibets et des inepties balancées par ceux qui se déclarent "antis-corridas". Malheureusement, il est des fois où l'on ne peut pas rester de marbre devant tant de fausses-réalités et de points de vue erronés. Par ailleurs, certains d'entre eux pensent être armés d'un argumentaire puissant, en comparant par exemple la corrida aux combats de gladiateurs, ou mieux encore, à l'Holocauste ! Si ces mots inquisiteurs étaient restés en vase clos, je ne les aurais pas relevés. Malheureusement, la lutte contre la corrida est parfois ultra-médiatisée par des journaux rongés par le "politiquement correct", et reprise par des personnalités politiques voyant dans une possible interdiction le moyen d'élever leurs propres suffrages. A ce moment-là, on ne peut plus rester dans le silence devant tant d'attaques infondées. Que savent-ils ?
Connaissent-ils la vie que mène le taureau de combat avant d'entrer dans l'arène ?
Savent-ils qu'en France chaque année, ce sont 800 à 900 taureaux (âgés de deux à six ans) qui sont combattus et mis à mort dans les arènes ?
Savent-ils en comparaison combien d'animaux sont euthanasiés chaque année par la Société "dite" de Protection des Animaux ?
Savent-elles (les deux députées à l'initiative d'une proposition de loi) qu'il n'y a pas de corridas chez elles, à Niort et à Nice ? Savent-elles qu'il y aurait pour le coup de meilleures causes à défendre en rapport avec leurs circonscriptions électorales ?
Savent-ils que le fait de regarder un poste de télévision à huit heures du soir est bien plus cruel que de s'asseoir sur les gradins d'une arène à cinq heures de l'après-midi ?
Toutes ces interrogations peuvent se multiplier à l'infini. Ils ont instauré un nouveau principe : "luttons contre quelque chose que nous ne connaissons pas". C'est aberrant, mais on peut les comprendre. Car la corrida ne fait pas partie du modèle de société aseptisée dont ils rêvent.
Mais la corrida est encore là, et elle traverse les époques. Malheureusement, elle est mal défendue et se trouve parfois en proie aux dérives. Beaucoup disent qu'il s'agit d'un "art" à l'état pur. Mais à quoi bon la classer comme telle ? La corrida n'est pas un ballet artistique, c'est avant tout un combat où l'homme vient sauver sa vie avant de prendre celle du taureau. Après cela, une dimension artistique pourra parfois apparaître, cela dépend aussi des sensibilités. Mais la corrida n'est pas un "art" à classer parmi tant d'autres. Et elle pose à chaque fois plus de questions qu'elle n'apporte de réponses à l'aficionado qui y assiste.
Pour ma part et d'après ma sensibilité, la corrida est ce combat où sont mêlés le danger, le courage, l'appréhension, la combativité du taureau, le respect qu'on lui porte, et l'émotion que tout cet ensemble dégage. Une émotion unique et exceptionnelle. Voir un taureau puissant, brave et plein de caste, avec face à lui un matador qui usera de sincérité et d'un courage hors norme, cela n'a pas d'égal.
Le 11 juillet dernier à Céret, deux heures quarante-cinq après que les militants animalistes aient vainement sauté en piste, on venait de voir une grande corrida de toros ! Car le fait marquant de cet après-midi là, c'est que l'on avait vu des Toros et des hommes, lors d'une corrida d'une intensité rare, pleine d'émotion.
La corrida est unique, parfois décevante, parfois magnifique, mais elle n'a rien de comparable.
Florent Moreau